Après les orties, un peu de douceur… "A petits pas", et en délicatesse comme espéré, Florence Klein construit son univers, le passage d’une enfance non rêvée au bonheur adulte espéré.
Discours onirique
Libre à chacun d’interpréter le discours onirique de la comédienne, auteure et dramaturge, une amoureuse des mots qui chantonne "l ’eau de là-haut", "regarde ses peurs" et "dilue ses torpeurs". Rieuse et naïve, charmée par la douceur de la peau de sa mère, elle évoque ensuite, par l’accident de vélo, les rigueurs de la vie, les déceptions de l’enfance sous le joug d’une mère trop cruelle, son bonheur auprès d’un amoureux aux oreilles trop petites. Elle parle vite et tout le temps car elle craint le silence, mais pas la confusion qui peut naître de ce spectacle pour enfants dès 5 ans. S’ils ne saisissent pas tous les rouages, ils comprendront sans doute l’amour heureux qu’elle partage avec Gaëtan D’Agostino, aimeront les notes électriques du guitariste lapin François Delvoye et se laisseront emporter par la juste utilisation de l’espace, par ces dizaines de chaussettes de bébés toutes colorées comme autant de pétales de roses, et par la scénographie, ce tourniquet de la vie, qui s’écrit sous leurs yeux. Un spectacle profond et lumineux.
La poésie est la parente pauvre de notre littérature. Peu de gens la lisent. L’école s’en désintéresse. La presse en parle avec parcimonie. Et on a beau, dans notre pays Belgique, élever
un écrivain au rang de poète national, cela ne change pas grand-chose.
C’est oublier que ce genre littéraire est celui qui porte la langue au plus pur de sa fonction sensitive. C’est oublier qu’elle traduit mieux que n’importe quel art (à part peut-être la
musique) les émotions profondes, les perceptions les plus essentielles.
Rares sont les troupes qui osent se lancer dans cette démarche exigeante. En dehors de l’Inti Théâtre, Infusion semble l’unique compagnie à présenter un spectacle où les mots ne portent
pas d’abord une narration, une histoire avec son déroulement chronologique.
Ici les textes sont des fragments de vie, des éclats d’imaginaire, des successions d’images installées au creux de la mémoire, inscrites dans des événements de vécu personnel qui ont
laissé des traces. Partager cette intimité n’est pas commode si chacun ne se laisse pas aller à recevoir la musique de la langue davantage que le sens des phrases. « À petits
pas » est cette nécessité-là. Celle qui exige que la part rationnelle de notre esprit se mette en veilleuse. Celle qui ne se contente pas de donner aux mots une signification
unique.
Ici les poèmes sont accompagnés par un travail sur les objets et sur l’espace. Non pour illustrer ce qui est dit mais bien pour colorer le plateau, pour le remplir de touches vives, pour
l’investir en le meublant de sculptures évolutives. Une autre musique que celle des syllabes, celle de François Delvoye, jouée en direct, vient compléter l’aspect visuel.
Les vers, très libres, parlent d’un quotidien, celui d’une enfant. Ils énoncent les figures qui peuplent son existence : son père, sa mère, son amoureux. La fantaisie émaille les
dires, elle leur donne un autre aspect que celui d’une information brute à propos d’une famille ou de la psychologie d’un ado. Mais il est évident que ce verbe passera d’autant mieux la
rampe si des spectateurs ont, au préalable, retrouvé le goût de la poésie à travers des ateliers d’écriture que mène l’auteure.